S’affirmer sans s’imposer, exprimer sans heurter, exister sans écraser : telle est la délicate alchimie de l’assertivité. Cette capacité à dire, à nommer, à revendiquer une place dans l’espace relationnel tout en respectant celle d’autrui constitue l’un des piliers d’une communication équilibrée et authentique.
Longtemps, l’assertivité a été confondue avec l’assurance ou l’autorité, alors qu’elle repose sur un socle bien plus subtil : celui de l’estime de soi et de la reconnaissance mutuelle. En effet, comment oser exprimer ses besoins si l’on doute de leur légitimité ? Comment entendre l’autre sans se sentir menacé dans son intégrité ?
L’assertivité : entre individuation et lien social
Du point de vue psychologique, l’assertivité s’inscrit dans un double mouvement : celui de l’individuation – ce processus par lequel nous nous différencions en affirmant notre subjectivité – et celui du lien social, qui nous invite à coexister harmonieusement avec les autres. Trop souvent, nous oscillons entre l’un et l’autre : soit nous nous effaçons par peur du rejet, soit nous nous imposons par crainte de l’abandon ou du mépris.
Or, être assertif, c’est parvenir à cet équilibre délicat où l’on peut affirmer son point de vue sans chercher à dominer, où l’on peut poser des limites sans ériger de murs. C’est pouvoir dire je sans renier le nous.
Les fondements psychologiques de l’assertivité
L’assertivité se construit sur plusieurs piliers fondamentaux, chacun ancré dans la psychologie du développement et des relations interpersonnelles :
- La conscience de soi : Savoir ce que l’on ressent, identifier ses besoins et reconnaître leur légitimité sans attendre que l’autre nous les confirme. Winnicott évoquait la notion de « vrai self » comme cette part de nous capable d’exister en dehors du regard d’autrui, tout en restant connectée au monde.
- La gestion des émotions : L’assertivité n’est pas une simple technique communicationnelle ; elle suppose un rapport apaisé à ses propres affects. Dire non sans culpabilité, exprimer un désaccord sans agressivité, cela suppose d’avoir apprivoisé ses peurs et intégré l’idée que le conflit n’est pas synonyme de rupture.
- L’écoute active : Il ne s’agit pas seulement de parler, mais d’entendre. Carl Rogers, avec son approche centrée sur la personne, a montré combien une écoute authentique peut transformer les relations en instaurant un climat de sécurité propice à l’échange sincère.
- Le respect de l’altérité : Toute relation est un jeu d’équilibre entre affirmation et reconnaissance de l’autre. Être assertif, c’est savoir formuler un message clair, mais aussi accueillir la réponse sans chercher à la modeler selon nos attentes.
L’assertivité au quotidien : un exercice d’ajustement
Chacun d’entre nous a déjà expérimenté ces instants de flottement où l’affirmation de soi semble vaciller :
- Cet instant où l’on tait un désaccord par peur du conflit,
- Cette sensation d’injustice que l’on n’ose pas verbaliser,
- Cette difficulté à dire non sans se justifier à l’excès,
- Cette réticence à exprimer un besoin de peur d’être perçu comme exigeant,
- Cette maladresse dans la formulation d’une critique qui finit par blesser au lieu d’éclairer.
Loin d’être innée, l’assertivité est une compétence qui s’affine avec le temps, au gré des expériences relationnelles et de notre capacité à ajuster nos réponses. Comme toute posture psychologique, elle n’est pas figée, mais évolutive. Elle se travaille, s’apprivoise, se nuance.
Finalement, être assertif, ce n’est pas seulement apprendre à s’exprimer, c’est aussi apprendre à exister pleinement, avec justesse et sérénité.