… Pour Palo Alto, il y a donc 2 ordres de réalité.
La réalité de premier ordre et la réalité de second ordre : la réalité « vraie », et celle que nous percevons.
Un exemple : je suis au musée en train de regarder un tableau de Magritte intitulé « Ceci n’est pas une pipe ». Ce tableau est bien réel, Magritte l’a peint, il est en face de moi, tout le monde peut le voir ; donc pas de doute possible : ce tableau est réel. Ça, c’est la réalité de premier ordre, c’est-à-dire les informations que mes sens me donnent. Ça se complique quand il s’agit de savoir ce que je vois : est-ce une nature morte ? Une pipe ? Un tableau ? Le symbole d’un fumeur ? Tout cela à la fois, évidemment. Chacun de nous va voir des choses différentes, selon son cadre de référence. C’est la réalité de second ordre, le sens que nous donnons aux faits, l’interprétation que nous faisons des événements.
Les systémiciens ont une expression, qui leur vient de la linguistique, pour désigner ces deux ordres de réalité : « La carte n’est pas le territoire. » La représentation que nous nous faisons du monde réel n’est pas ce monde réel. Cela ne signifie pas que ce réel (la réalité de premier ordre) n’existe pas : simplement, parmi la multitude de significations possibles, nous sommes forcés de sélectionner, de donner un sens aux choses (la réalité de second ordre).
Voyons plus en détail ce qu’est le cadre de référence.
Je commencerai par parler du cadre de référence avec cet extrait du film “L’Honneur d’un capitaine”. Celui-ci raconte que de jeunes soldats français patrouillant en montagne demandèrent un jour par radio à leur officier ce qu’il fallait faire d’un prisonnier. « Descendez-le », dit le capitaine, pensant que sa troupe allait le ramener dans la vallée. Il entendit alors un coup de feu. Cela introduit bien la notion de cadre de référence qui désigne les lunettes avec lesquelles nous regardons le réel.
Les « lunettes » dont il est question ici ne désignent évidemment pas celles que l’on porte sur le nez, mais celles que nous avons dans la tête, et qui nous font voir le réel d’une façon.
Il faut distinguer ici deux notions, le réel et la réalité :
– le réel est tout ce qui nous entoure, avec sa diversité infinie ;
– la réalité est ce que l’on en voit, ce que l’on en comprend, ce que l’on en retient ;
– elle est le résultat de notre invention, de notre construction mentale plus ou moins porteuse de perspectives ou d’impasses.
Dès lors puisque toute réalité est le résultat d’une construction de l’esprit, il est nécessaire d’inviter nos interlocuteurs à percevoir et à construire différemment leur réalité pour qu’ils en tirent plus de possibilités d’action et plus de lieux de satisfaction. Pour nous thérapeutes, il s’agira d’apprendre aux patients à changer de lunettes pour changer leurs perceptions de la réalité afin de les amener à réagir différemment.
L’on comprend donc que l’individu ne perçoit pas “la” réalité mais “une” réalité parmi d’autres, celle qui nous est perceptible dans la vision du monde qui nous est propre, mais celle-ci n’est qu’une possibilité parmi d’autres. « Nous butons souvent sur des problèmes par le fait même que nous nous enfermons dans une seule lecture limitante de la réalité et dans un seul langage pour l’appréhender.
La réalité telle que nous la concevons, n’a pas d’existence propre. Elle est le produit de notre structure nerveuse. Nous parlons là de processus cognitifs et de construction de la réalité. A savoir, ce sont nos opérations mentales qui influencent nos perceptions, nos émotions et nos comportements qui les influencent en retour. Ce sont ces mêmes processus cognitifs avec lesquels nous appréhendons la réalité qui sont susceptibles de construire nos problèmes.